Quand on boulange, on peut utiliser une méthode directe, sans préparation avant le pétrissage proprement dit : la totalité de l’eau, de la farine et plusieurs autres ingrédients est placée dans le pétrin puis pétrie, plus ou moins lentement, à température plus ou moins élevée.
On peut aussi utiliser une méthode indirecte, en deux étapes : on prépare tout d’abord un pré-ferment (starter en anglais) avec une partie des ingrédients de la pétrissée, puis, plusieurs heures plus tard, on incorpore cette préparation au reste d’eau et de farine nécessaire à la pétrissée totale, pour pétrir le tout.
Ce billet est l’occasion pour moi de faire le point sur les pré-ferments qui contiennent de la levure de boulanger (il ne sera donc pas question ici de levain), de synthétiser un peu toutes les informations glanées au fur et à mesure dans mes multiples livres.
Ces pré-ferments peuvent être préparés avec de la farine de blé de type T55 ou tout autre farine, pour des goûts différents.
Toutefois, attention au seigle. Cette farine, pauvre en gluten, contient du mucilage, une substance qui se dissout dans l’eau et nuit à la cohésion du gluten lors de la formation de la pâte. Les pâtons de seigle sont donc peu élastiques. De plus, si le seigle utilisé est gris (T130) voire complet (T170), il fermente de façon très énergique (voir plus loin les inconvénients en cas de sur-fermentation). La réfrigération est donc plus que recommandée dans le cas d’un pré-ferment contenant du seigle.
Selon Maggie Glezer (Artisan Baking Across America), il existe 5 sortes de pré-ferments en boulangerie. Chacun a des qualités spécifiques et influe sur l’élasticité du pain mais aussi sur ses arômes et saveurs, voire sur sa couleur! Dans l’idéal, il faudrait donc expérimenter avec les 5 pour pouvoir ensuite les utiliser à bon escient, quand l’envie nous en prend. Mmmm, ça me tente (la famille n’est pas prête de cesser de manger du pain!).
1. La poolish
D’origine polonaise, d’où son nom, ce ferment a été développé à Vienne au 19e siècle.
La poolish est constituée d’un poids égal de farine et d’eau, auquel on ajoute une quantité variable de levure, selon le temps de fermentation désiré (entre 3 et 15 heures et plus on met de levure, plus le temps de fermentation devra être court. Ainsi, Le livre du boulanger* préconise d’utiliser 15g de levure par litre d’eau pour 3 heures de fermentation mais seulement 5g/litre pour 8 heures de fermentation).
Contenant beaucoup d’eau (de 1/3 à 4/5e du poids d’eau total de la recette), ce ferment est très liquide, comme une pâte à crêpe.
On ne met jamais de sel dans une poolish, pour ne pas ralentir la fermentation.
Il est conseillé de bien mélanger la levure et l’eau avant d’y adjoindre la farine, pour former un “lait de levure”.
Elle doit fermenter au moins 45 à 60 minutes.
La poolish est prête à l’emploi lorsqu’elle a triplé de volume, que sa surface est ridée et qu’elle est légèrement concave en son milieu (en raison d’une rupture du gluten trop sollicité par le gaz carbonique).
Elle peut alors être utilisée dans un délai d’une à 2 heures, surtout si elle a été préparé avec peu de levure et a longuement fermenté.
Il est alors recommandé de verser l’eau restante de la pétrissée sur la poolish et non le contraire.
Il paraît que la poolish permet d’obtenir une mie très légère et parfumée, et que le mélange “mie, croûte” dans la bouche laisse un arrière goût de noisette (Le livre du Boulanger).
2. la pâte fermentée (en anglais scrap-dough, old dough ou pre-fermented dough)
Ce ferment contient tous les ingrédients de la pâte finale, donc du sel, notamment (mais aussi éventuellement de l’huile, du miel etc.).
Il a été inventé par le Pr Calvel.
Souvent présenté comme étant un morceau de la pâte à pain de la veille, il semblerait que ce soit en pratique une pâte faite pour ce seul usage, avec une fermentation très contrôlée.
Comprenant beaucoup de levure, et en dépit du sel qui ralentit un peu la fermentation, cette pâte fermentée devient facilement trop acide et alcolisée si elle n’est pas conservée au frais.
3. La biga
C’est le terme générique pour pré-ferment en Italie.
Dans une biga traditionnelle, cependant, se trouvent de la farine, de l’eau (50 à 60% du poids de la farine, donc potentiellement plus que dans le poolish), et 1% de levure fraîche de boulanger (ou 1/3% à 1/2% de levure sèche).
La fermentation est longue (6 à 24 h), au frais.
Il est utilisable, selon certains, lorsqu’il a triplé de volume puis qu’il est retombé sur lui-même, un peu comme un soufllé.
La biga produit une quantité importante d’acide acétique, lequel renforce le gluten et est donc intéressant quand on utilise une farine un peu faible.
4. Le levain-levure (en anglais sponge)
Ce pré-ferment est le plus couramment utilisé, semble-t-il.
Pour cette méthode, on prélève un morceau de pâte fermentée à l’aide de levure industrielle et on le conserve dans un endroit frais pendant 6 à 8 heures, avant de l’incorporer à la pétrissée du jour.
Le mini pâton peut être fermenté à température ambiante, éventuellement avec très peu de levure pour une fermentation longue et lente.
Une fois prêt, il reste au sommet de sa forme pendant plusieurs heures, ce qui le rend facile à utiliser.
Les avantages (selon le Livre du Boulanger) : une acidité intéressante, une amélioration de la force de la pâte et une diminution voire une suppression de l’acide ascorbique.
L’inconvénient : il n’apporte pas beaucoup d’élasticité à la pâte car il est très ferme.
En principe, la pâte fermentée doit être incorporée dans la pétrissée 3 minutes avant l’arrêt du pétrin, à raison de 200 à 400g par litre d’eau de coulage (c’est pas précis ça, hein;-).
5.Le levain-pâte, également appelé levain de pâte ou travail sur rafraîchi (en anglais mixed starter)
Ce pré-ferment est une imitation de levain.
Il contient de l’eau, de la farine, parfois du sel et il est “ensemencé” par un peu de pâte fermentée, appelée “le chef” (voir plus haut) (mais ce chef n’est pas un levain chef puisqu’il peut contenir de la levure de boulanger).
Le chef pèse entre 5 et 30% du poids de farine total du pré-ferment (ex: entre 15 et 90g de chef pour 300g de farine), selon la fermentation désirée.
Les pains ressemblent alors aux pains au levain mais sans leur acidité profonde, leur moelleux et leur longue conservation naturelle.
Il fermente lentement, à température ambiante, entre 6 à 15 heures.
Les avantages
La saveur et les qualités des pré-ferments vont dépendre pour beaucoup de la quantité d’eau qu’ils contiennent et de leur durée de fermentation.
Très humides, tièdes et sans sel, ils favoriseront l’extensibilité de la pâte (les enzymes qui cassent le gluten seront plus actives, les particules de gluten entourées d’eau vont passer à l’état visqueux et s’agglomérer entre elles, formant des chaines ou fibres qui vont s’enchevêtrer pour former un tissu glutineux efficace, càd apte à retenir efficacement le gaz carbonique. Mais si le pétrissage était trop long, ce tissu se casserait).
Si la fermentation se fait dans un milieu plus frais, le résultat sera plus acide, plus fruité puisque la formation d’acide acétique sera favorisée, plus que celle de l’acide lactique, plus doux.
Eviter la sur-fermentation!
La fermentation est fondamentale en matière de pain. Le plus important dans la fabrication du pain serait même, selon certains, le contrôle du processus de fermentation. La qualité et la légèreté du pain en dépendent. Lors de cette étape, les enzymes de la levure (=invertase qui décompose la saccharose, maltase qui décompose le maltose et zymase qui décompose les sucres simples -glucose et fructose) agissent sur les sucres de la farine pour donner de l’alcool et du gaz carbonique. Le premier influe sur la ténacité de la pâte (=son aptitude à supporter la pression d’une grosse quantité de gaz carbonique pour se développer correctement) et le second sur son volume.
La fermentation de ces pré-ferments, qui ne sont pas, vous l’avez compris, des levains puisqu’ils contiennent de la levure dite commerciale, n’est pas toujours facile à contrôler.
Or, une trop longue fermentation donnera un pain qui se déchirera lors du façonnage, qui se dégonflera pendant sa pousse et qui s’ouvrira peu lors de la cuisson. De plus, des parfums de bière et de levure désagréables pourront se développer!
Il ne faut donc pas hésiter à jeter un pré-ferment qui aurait trop attendu.
Utilisation
Les pré-ferments servent de base à la confection de la pâte finale.
Lorsqu’ils sont arrivés à un satde de fermentation idéal, ils sont incorporés au reste des ingrédients (eau, farine, éventuellement levure, sel etc.) et pétris jusqu’à obtention d’une pâte de bonne consistance panifiable.
* : Le livre du boulanger, aux éditions Jacques Lanore, a été écrit par Jean-Yves GUINARD et Pierre LESJEAN, à l’intention des apprentis-boulangers. L’exemplaire dont je dispose date de 1992.
PS : la photo est celle d’un pain fait selon la méthode “5 minutes a day”: la pâte entière est longuement fermentée, pendant 5 jours pour ce pain par exemple.
Ton billet est très riche en infos. Une deuxième lecture s’impose car je pense que certains détails ont sûrement échappé à mon attention. Très bonne journée.
Très intéressant !
Je m’instruis chez toi que des informations précieuses. Merci bp et bonne journée
Une mine d’or que je cherchais sur le web depuis un bout de temps.
Un énorme merci,
Virginie
Et celui que j’ai c’est lequel? Je l’utilise normalement aujourd’hui ou demain!
Bonjour, j’ai retrouvé une page sur le Pr Calvel : https://aipf-calvel.org/le-professeur-calvel/