Hier : une nuit mauvaise et agitée, une sorte de sidération à avoir été arrêtée pendant 1 mois, une journée dure, un “fond” touché pendant un instant, des larmes et le besoin de les laisser couler, seule, dans le jardin, une fatigue déferlante, l’air qui manque, le besoin de s’asseoir sur un banc pendant la promenade, le corps qui freine.
Mais aussi : l’amour qui circule et s’exprime, le soleil, les fleurs, l’air, les oiseaux, P. attentif et présent, et qui nous a préparé son délicieux risotto aux champignons, nos filles, des rires, une délicieuse salade pour le diner, la promenade, les légumes frais, le printemps qui s’installe, ce moment où j’ai eu l’impression d’être de nouveau présente à moi-même, “alignée”.
Hier : l’envie de retourner à la piscine, de recommencer à nager 1 km de crawl, de sentir mon corps se délier, se raffermir, d’avoir ce temps étrange et merveilleux juste à moi dans l’eau, sous l’eau, hors de l’eau.
Mais aussi : la réalisation que c’était insensé, que j’étais incapable de nager 1 km avec cette respiration qui manque, peut-être un peu incapable de nager le crawl avec cette épaule gauche qui gêne, que le froid avant l’eau, à l’entrée dans l’eau, après l’eau, serait une agression dont je dois me protéger, que la voiture pour rejoindre la piscine était une vigilance en trop.
Et alors : l’évidence que plusieurs possibles sont à ma portée, que je peux chausser les tennis avec lesquels ma marche est relativement stable et marcher à partir de chez moi, qu’il y a des dizaines de bancs pour des pauses, que je ne suis pas pressée, que cela me fait un bien profond de marcher, de sentir, ressentir, respirer, “même si”.
Qu’il n’est pas utile, encore moins indispensable, que je me fixe des défis du style “20 minutes”, “1 heure”, “comme ceci”, “comme cela”, “à telle heure”.
Que je n’ai qu’à lacer ces chaussures avec lesquelles je suis en sécurité et ouvrir la porte et vivre, “même si”, “alors que”, “quand bien même”.
Nouveaux rythmes, nouvelles habitudes.
Pour le moment, je dois fragmenter mon temps, ou plus exactement je dois apprendre à laisser mon temps se fragmenter, à son rythme : ce n’est pas moi qui fixe, sauf pour ces 15 minutes d’écriture, le temps que je vais consacrer à telle ou telle activité, quelle qu’elle soit. C’est mon corps, ma conscience de moi, mon intuition, ma présence attentive à moi-même (nouvelle habitude, qui va qui vient), qui m’indiquent que stop, là je dois faire une pause, que go, là je peux y aller.
C’est étrange, nouveau, pas facile pour moi qui depuis des années suis plus hyperactive qu’attentive à moi-même, plus dans le “je dois, je vais, je veux” que le “j’ai envie, puis-je, est-ce bon”.
J’ai de la chance de pouvoir me poser/pauser pour mettre en place autre chose, au fond.
L’été succédera à cette saison, puis l’automne et l’hiver, pas de béatitude en vue, ni de nirvana ou d’équilibre acquis une bonne fois pour toutes.
Mais, alors qu’hier je me sentais piégée et n’avais aucune idée de la direction du prochain pas à faire, ni aucune idée qu’il y allait avoir un chemin, aujourd’hui je sais que la route a recommencé à se dérouler sous mes pas.
A demain.
Bonjour
Je vous lis depuis longtemps et j’ai eu envie aujourd’hui de vous dire un mot car vos derniers posts me touchent. Vous m’avez souvent semblé si organisée, performante, … etc mais aussi parfois “contre” ou dans une forme de lutte. Vous voilà montrant tellement d’humanité et de douceur. J’ose vous dire de prendre votre temps pour ne pas emprisonner vos avalanches.
Bonne promenade ici et maintenant
Bonsoir Henriette
Merci, vos mots m’ont beaucoup touchés. Je ne suis pas sûre de ne pas être encore, et durablement, dans une forme de lutte, mais peut-être pas… Merci, je vous envoie des forces aussi.
Chère Flo, ces ’15 minutes pour moi’ sont une formidable therapie non seulement pour toi mais pour tout(es) ceux/celles qui te suivent depuis des années. A plusieurs de tes derniers billets – je ne sais pourquoi – la chanson de Johnny Hallyday ‘J’ai oublié de vivre’ me venait à l’esprit et voilà qu’une de tes phrases (C’est étrange, nouveau, pas facile pour moi qui depuis des années suis plus hyperactive qu’attentive à moi-même, plus dans le « je dois, je vais, je veux » que le « j’ai envie, puis-je, est-ce bon ».) renforce ma pensée. A force de vouloir être sur beaucoup de fronts on s’oublie jusqu’au jour ou notre corps nous rappelle à l’ordre, nous prévient en nous mettant en mode ‘freinage’. Quand bien même on aurait plusieurs vies sur les médias sociaux, en réalité – In Real Life – on n’en n’a qu’une et celle là il faut la protéger, la sauvegarder, la chérir. Take very good care!
Merci Anne-Catherine. Ton commentaire m’a fait réfléchir à ce qu’était vivre, pour moi…
Pascal et les enfants me reprennent souvent parce que j’utilise beaucoup les mots “dans la vraie vie” quand je leur parle. Ils me demandent “parce qu’il en existe une fausse ?”. Je crois que mes mots expriment plutôt que j’ai très peur de la vie, que je suis plus volontiers en position d’observatrice angoissée qu’en plein dans le courant… D’où le fait que ce matin j’ai été tellement interpellée par la notion de joie appréhensive que développe Brené Brown…
En somme, je ne crois pas que je “m’oublie”, je crois plutôt que je reste surtout attentive à ne pas “tomber dans la rivière” du flux de la vie, si intensément accrochée à tout ce qui semble solide, immuable, statique, sur la berge (illusion, évidemment), par terreur de ne pas savoir respirer “si”, de ne plus être maître de rien. Ce faisant, la rivière chantante passe devant mon nez, emplie des rires de ceux qui ont osé sauter dedans, et je me retrouve chaque soir accrochée à ma berge, dans le noir, l’immobilité, la peur encore plus forte !
Merci de m’avoir écrit ces mots qui me font avancer.